Le téléphone mobile favoriserait les tumeurs cérébrales
L'utilisation du téléphone mobile est néfaste pour la santé, et pas seulement au volant. Une analyse portant sur dix-huit études conclut qu'au-delà de dix ans d'utilisation d'un cellulaire, le risque de développer une tumeur cérébrale maligne - le gliome - du côté où l'appareil est porté à l'oreille serait multiplié par deux. Cette affection touche chaque année environ 6 personnes sur 100 000. Pour les atteintes du nerf acoustique - le neurome -, le risque serait deux fois
et demi plus élevé, dans ces mêmes conditions.
Publiée en ligne par la revue Occupational and Environmental Medecine (OEM), cette analyse, conduite par les Suédois Lennart Hardell (université d'Orebro) et Kjell Hansson (université d'Umea), contredit une étude rendue publique en septembre en Grande-Bretagne, selon laquelle "il n'a pas été montré que les mobiles étaient associés à des effets biologiques ou délétères".
Mais Lawrie Challis, qui a dirigé l'étude britannique, admet, rapporte le quotidien The Independent, qu'en raison du faible nombre de patients ayant utilisé un téléphone mobile depuis plus de dix ans, "il n'est pas possible à ce stade d'écarter la possibilité que des cancers puissent apparaître dans les prochaines années". L'incertitude liée au temps de latence entre l'exposition aux champs électromagnétiques et le développement éventuel d'une tumeur reste l'un des principaux obstacles dans la conduite d'études épidémiologiques "conclusives".
"GROS CONSOMMATEURS"
En France, où la téléphonie mobile a pris son essor à partir de 1992 et où l'on dénombre désormais plus de 52 millions d'abonnés, l'étude la plus récente, publiée en septembre dans la Revue d'épidémiologie et de santé publique, souffre des mêmes limitations. Elle porte sur des
patients atteints de tumeurs cérébrales entre 2001 et 2003.
"L'usage régulier du téléphone mobile n'est pas lié à une augmentation du risque de neurinomes, de méningiomes ou de gliomes, conclut-elle.
Bien que ces résultats ne soient pas significatifs, il semble toutefois exister une tendance générale à une augmentation du risque de gliome chez les plus "gros consommateurs" de téléphonie mobile : utilisateurs de longue durée, au temps de communication élevé et ayant utilisé un plus grand nombre de téléphones."
La puissance statistique de l'étude française étant insuffisante pour trancher, les auteurs renvoient à l'étude internationale Interphone, lancée en 1999. Elisabeth Cardis, qui coordonne Interphone au Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), à Lyon, n'est pas
surprise par les résultats de l'étude de Lennart Hardell et Kjell Hansson. "Ils s'appuient sur plusieurs études incluses dans Interphone, qui ont effectivement noté des augmentations, significatives ou non, des gliomes chez les utilisateurs de mobile", admet-elle. Toute la difficulté réside dans l'interprétation des résultats, ajoute-t-elle. Un des biais possibles concerne la mémorisation par les malades de leur propre usage du téléphone. "Ils cherchent une explication à leur maladie et ont tendance à exagérer leur exposition", note Elisabeth Cardis. Ce biais de mémorisation est statistiquement repérable : il conduit à une apparente réduction du risque de tumeur dans l'hémisphère opposé au téléphone, comme si exposer un côté protégeait l'autre...
L'étude Interphone s'attachera aussi à préciser la localisation des tumeurs. Si 20 à 30 % de la dose électromagnétique émise par le téléphone sont absorbés par le cerveau, "cette exposition est très localisée", indique Elisabeth Cardis. Il est alors peu probable qu'une tumeur dans la partie frontale ou occipitale puisse être attribuée aux radiofréquences, note-t-elle.
LAXISTES
Ces problèmes méthodologiques expliqueraient, selon la chercheuse, le retard de plusieurs années pris dans la publication de l'étude Interphone, espérée "dans quelques mois". En attendant, Elisabeth Cardis refuse de se prononcer sur la nécessité ou non de réviser les normes
d'émissions de radiofréquences.
Celles-ci sont jugées trop laxistes par un groupe de spécialistes internationaux, dont Lennart Hardell. Ces experts ont rendu public, le 31 août, un rapport dans lequel ils réclament un durcissement de la réglementation internationale sur les ondes électromagnétiques, qu'elles soient émises par les lignes à haute tension, les fours à micro-ondes, les antennes et relais de télécommunications ou les téléphones portables.
Micro-ondes, DECT, Wi-Fi et mobiles mesurés in situ
L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), qui recommande d'utiliser le mobile "avec discernement", a financé une étude sur l'impact des radiofréquences à Besançon et à Lyon. Pendant une semaine, 400 volontaires ont porté un dosimètre. Les trois millions de mesures récoltées montrent que la grande majorité des expositions sont dues au téléphone portable, au sans-fil domestique (DECT) et au four à micro-ondes. Coordinateur de l'étude, l'épidémiologiste Jean-François Viel note qu'il s'agit de résultats préliminaires, à affiner, notamment en ce qui concerne le Wi-Fi, "qui émet dans la même gamme de fréquences que le four micro-ondes".
Auteur : Hervé Morin
Publié par : LE MONDE
Le : 12.10.07
L'utilisation du téléphone mobile est néfaste pour la santé, et pas seulement au volant. Une analyse portant sur dix-huit études conclut qu'au-delà de dix ans d'utilisation d'un cellulaire, le risque de développer une tumeur cérébrale maligne - le gliome - du côté où l'appareil est porté à l'oreille serait multiplié par deux. Cette affection touche chaque année environ 6 personnes sur 100 000. Pour les atteintes du nerf acoustique - le neurome -, le risque serait deux fois
et demi plus élevé, dans ces mêmes conditions.
Publiée en ligne par la revue Occupational and Environmental Medecine (OEM), cette analyse, conduite par les Suédois Lennart Hardell (université d'Orebro) et Kjell Hansson (université d'Umea), contredit une étude rendue publique en septembre en Grande-Bretagne, selon laquelle "il n'a pas été montré que les mobiles étaient associés à des effets biologiques ou délétères".
Mais Lawrie Challis, qui a dirigé l'étude britannique, admet, rapporte le quotidien The Independent, qu'en raison du faible nombre de patients ayant utilisé un téléphone mobile depuis plus de dix ans, "il n'est pas possible à ce stade d'écarter la possibilité que des cancers puissent apparaître dans les prochaines années". L'incertitude liée au temps de latence entre l'exposition aux champs électromagnétiques et le développement éventuel d'une tumeur reste l'un des principaux obstacles dans la conduite d'études épidémiologiques "conclusives".
"GROS CONSOMMATEURS"
En France, où la téléphonie mobile a pris son essor à partir de 1992 et où l'on dénombre désormais plus de 52 millions d'abonnés, l'étude la plus récente, publiée en septembre dans la Revue d'épidémiologie et de santé publique, souffre des mêmes limitations. Elle porte sur des
patients atteints de tumeurs cérébrales entre 2001 et 2003.
"L'usage régulier du téléphone mobile n'est pas lié à une augmentation du risque de neurinomes, de méningiomes ou de gliomes, conclut-elle.
Bien que ces résultats ne soient pas significatifs, il semble toutefois exister une tendance générale à une augmentation du risque de gliome chez les plus "gros consommateurs" de téléphonie mobile : utilisateurs de longue durée, au temps de communication élevé et ayant utilisé un plus grand nombre de téléphones."
La puissance statistique de l'étude française étant insuffisante pour trancher, les auteurs renvoient à l'étude internationale Interphone, lancée en 1999. Elisabeth Cardis, qui coordonne Interphone au Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), à Lyon, n'est pas
surprise par les résultats de l'étude de Lennart Hardell et Kjell Hansson. "Ils s'appuient sur plusieurs études incluses dans Interphone, qui ont effectivement noté des augmentations, significatives ou non, des gliomes chez les utilisateurs de mobile", admet-elle. Toute la difficulté réside dans l'interprétation des résultats, ajoute-t-elle. Un des biais possibles concerne la mémorisation par les malades de leur propre usage du téléphone. "Ils cherchent une explication à leur maladie et ont tendance à exagérer leur exposition", note Elisabeth Cardis. Ce biais de mémorisation est statistiquement repérable : il conduit à une apparente réduction du risque de tumeur dans l'hémisphère opposé au téléphone, comme si exposer un côté protégeait l'autre...
L'étude Interphone s'attachera aussi à préciser la localisation des tumeurs. Si 20 à 30 % de la dose électromagnétique émise par le téléphone sont absorbés par le cerveau, "cette exposition est très localisée", indique Elisabeth Cardis. Il est alors peu probable qu'une tumeur dans la partie frontale ou occipitale puisse être attribuée aux radiofréquences, note-t-elle.
LAXISTES
Ces problèmes méthodologiques expliqueraient, selon la chercheuse, le retard de plusieurs années pris dans la publication de l'étude Interphone, espérée "dans quelques mois". En attendant, Elisabeth Cardis refuse de se prononcer sur la nécessité ou non de réviser les normes
d'émissions de radiofréquences.
Celles-ci sont jugées trop laxistes par un groupe de spécialistes internationaux, dont Lennart Hardell. Ces experts ont rendu public, le 31 août, un rapport dans lequel ils réclament un durcissement de la réglementation internationale sur les ondes électromagnétiques, qu'elles soient émises par les lignes à haute tension, les fours à micro-ondes, les antennes et relais de télécommunications ou les téléphones portables.
Micro-ondes, DECT, Wi-Fi et mobiles mesurés in situ
L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), qui recommande d'utiliser le mobile "avec discernement", a financé une étude sur l'impact des radiofréquences à Besançon et à Lyon. Pendant une semaine, 400 volontaires ont porté un dosimètre. Les trois millions de mesures récoltées montrent que la grande majorité des expositions sont dues au téléphone portable, au sans-fil domestique (DECT) et au four à micro-ondes. Coordinateur de l'étude, l'épidémiologiste Jean-François Viel note qu'il s'agit de résultats préliminaires, à affiner, notamment en ce qui concerne le Wi-Fi, "qui émet dans la même gamme de fréquences que le four micro-ondes".
Auteur : Hervé Morin
Publié par : LE MONDE
Le : 12.10.07
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