23 10 2007
Plusieurs études récentes relancent le débat sur la dangerosité des téléphones portables. Elles soupçonnent un effet des ondes électromagnétiques sur les cellules animales et végétales. Les institutions officielles, françaises et européennes, répètent de leur côté qu’aucun effet délétère n’a été formellement prouvé. La commission Santé et environnement du Grenelle a toutefois retenu la proposition de baisser le seuil d’exposition maximal aux ondes des mobiles, relançant la question du principe de précaution.
En 2007, la France compte près de 50 millions d’abonnés à la téléphonie mobile. Depuis une quinzaine d’années, les études scientifiques se multiplient sur les conséquences potentielles de l’utilisation des portables. Disparates, les conclusions de ces rapports ont amené l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1996 à proposer un seuil maximal d’exposition de 41 Volts par mètre (V/m). Cette valeur, imposée par un décret en 2002, est considérée comme trop laxiste par certaines associations et scientifiques. En 2005, Nathalie Kosciusko-Morizet proposait une loi fixant ce seuil à 0,6V/m. Cette idée est aujourd’hui retenue par le groupe de travail n°3 du Grenelle de l’environnement, au grand dam des opérateurs de téléphonie mobile.
« A quand une indication “téléphoner tue” sur les mobiles ? » ironise Franck Laval, président de l’association Ecologie sans frontière. Sans aller jusqu’à cet extrême, plusieurs études relancent le débat sur le principe de précaution en matière de téléphonie mobile. Le BioInitiative Working Group, un groupe indépendant de scientifiques internationaux, a réuni les données disponibles sur la corrélation entre radiofréquences et cancers, dans un rapport quasi exhaustif sorti en août 2007. Ses conclusions sont sans équivoque : si de multiples points restent à approfondir, « il est clair que les seuils actuellement appliqués dans la plupart des pays sont mille fois trop indulgents ». Les spécialistes de BioInitiative ont établi un lien formel entre l’utilisation du téléphone portable, sur une durée de dix ans ou plus, et l’augmentation des cas de tumeurs malignes au cerveau. Ils accusent également les ondes électromagnétiques d’être des facteurs augmentant le risque de développer leucémies, maladie d’Alzheimer, et cancers du sein entre autres. Le rapport ajoute que, tant qu’on n’aura pas déterminé une valeur en dessous de laquelle aucun effet biologique n’est observé, « il n’est pas raisonnable, pour des questions de santé publique, de continuer à développer des technologies qui augmentent l’exposition, surtout involontaire, aux ondes électromagnétiques ».
Des recherches financées par les opérateurs.
Le BioInitiative s’est focalisé sur l’aspect quantitatif de l’effet des rayons ; deux équipes de l’Université de Clermont-Ferrand ont, en revanche, étudié l’effet qualitatif des ondes sur la physiologie des plantes. Lorsqu’ils sont exposés à des ondes similaires à celles émises par des portables, les végétaux produisent immédiatement des protéines de stress. Autrement dit, ils réagissent aux émissions des mobiles comme à une agression extérieure. « Il faut rester prudent et ne pas généraliser à l’homme trop rapidement » tempère Alain Vian, chercheur dans l’Equipe de recherche sur la transduction et l’autosurveillance cellulaire (ERTAC) à Clermont-Ferrand. « Pour l’instant, nous allons étudier la peau, qui présente la même surface étendue de cellules que les plantes » ajoute-t-il. Le programme, baptisé MAPHYS, est soutenu par la fondation Santé et radiofréquences, un organisme de recherche, créé par l’Etat en 2005, reconnu d’utilité publique, mais financé en partie par les trois opérateurs de téléphonie mobile nationaux, ainsi que trois fabricants de mobiles.
En 1999, une grande étude a été lancée par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de Lyon, en collaboration avec 23 institutions de 14 pays, pour déterminer l’impact des portables sur la santé. Le projet INTERPHONE a été financé notamment par l’Union internationale contre le cancer (UICC), qui a elle-même reçu des fonds du Mobile Manufacturers’ Forum et de l’Association GSM, deux associations de fabricants d’équipements téléphoniques. Le CIRC affirme pourtant que « les accords financiers garantissent à l’étude INTERPHONE une totale indépendance scientifique ». Les résultats finaux de l’étude, prévus pour 2005, se font toujours attendre, officiellement pour des raisons d’interprétations des données.
Définir le principe de précaution
Quel degré d’indépendance accorder alors aux conclusions des précédentes études sur les radiofréquences ? Celles de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et de l’Association française pour la sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), notamment, concluaient mollement à une absence de preuves significatives impliquant un danger immédiat. En 2006, l’Inspection générale de l’environnement (IGE) et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) émettaient publiquement des doutes sur l’indépendance des experts de l’AFSSE. A leur décharge, les organismes soulignaient cependant l’importance de l’application d’un principe de précaution. Les opérateurs, qui s’expriment d’une seule voix, par l’intermédiaire de l’Association française des opérateurs mobiles (AFOM), affirment « faire ce qu’on leur dit », c’est-à-dire appliquer les recommandations de l’AFSSE. Outre la délivrance d’un kit oreillette “mains libres” avec tout téléphone, l’Agence conseille de limiter les campagnes de promotion en direction des enfants. Ces dispositions peuvent sembler laxistes, puisque l’AFSSE conclue, dans son rapport « Téléphonie et santé » daté de juin 2005, que « divers effets biologiques ou physiologiques associés à l’exposition aux ondes des téléphones mobiles sont bien avérés ».
Une autre application du principe de précaution serait une baisse du seuil d’exposition à 0,6V/m, préconisée par l’association Robins des Toits entre autre, et retenue par le groupe 3 du Grenelle de l’environnement. Cependant, elle serait « impossible à appliquer » affirme l’AFOM, car on ne peut légiférer que sur l’émission d’onde, et non l’exposition du public aux différentes ondes qui l’entoure. « Un seuil d’émission à 0,6V/m est en outre impensable, car il empêcherait toute émission radiophonique ou télévisuelle » ajoute l’association. Pour expliquer ces tergiversations sur les précautions à prendre, Franck Laval pointe du doigt le lobbying des opérateurs. « La preuve de la gravité de la situation, c’est la position des assureurs, explique-t-il. Certains [Swiss Re, Loyds, AXA et Allianz] ne veulent plus assurer les risques sanitaires et environnementaux liés à la téléphonie mobile ». Il est troublant de se souvenir que déjà en 1911, les assureurs avaient pris une telle décision vis-à-vis des usines d’amiante.
Rouba Naaman
novethic.fr
Plusieurs études récentes relancent le débat sur la dangerosité des téléphones portables. Elles soupçonnent un effet des ondes électromagnétiques sur les cellules animales et végétales. Les institutions officielles, françaises et européennes, répètent de leur côté qu’aucun effet délétère n’a été formellement prouvé. La commission Santé et environnement du Grenelle a toutefois retenu la proposition de baisser le seuil d’exposition maximal aux ondes des mobiles, relançant la question du principe de précaution.
En 2007, la France compte près de 50 millions d’abonnés à la téléphonie mobile. Depuis une quinzaine d’années, les études scientifiques se multiplient sur les conséquences potentielles de l’utilisation des portables. Disparates, les conclusions de ces rapports ont amené l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1996 à proposer un seuil maximal d’exposition de 41 Volts par mètre (V/m). Cette valeur, imposée par un décret en 2002, est considérée comme trop laxiste par certaines associations et scientifiques. En 2005, Nathalie Kosciusko-Morizet proposait une loi fixant ce seuil à 0,6V/m. Cette idée est aujourd’hui retenue par le groupe de travail n°3 du Grenelle de l’environnement, au grand dam des opérateurs de téléphonie mobile.
« A quand une indication “téléphoner tue” sur les mobiles ? » ironise Franck Laval, président de l’association Ecologie sans frontière. Sans aller jusqu’à cet extrême, plusieurs études relancent le débat sur le principe de précaution en matière de téléphonie mobile. Le BioInitiative Working Group, un groupe indépendant de scientifiques internationaux, a réuni les données disponibles sur la corrélation entre radiofréquences et cancers, dans un rapport quasi exhaustif sorti en août 2007. Ses conclusions sont sans équivoque : si de multiples points restent à approfondir, « il est clair que les seuils actuellement appliqués dans la plupart des pays sont mille fois trop indulgents ». Les spécialistes de BioInitiative ont établi un lien formel entre l’utilisation du téléphone portable, sur une durée de dix ans ou plus, et l’augmentation des cas de tumeurs malignes au cerveau. Ils accusent également les ondes électromagnétiques d’être des facteurs augmentant le risque de développer leucémies, maladie d’Alzheimer, et cancers du sein entre autres. Le rapport ajoute que, tant qu’on n’aura pas déterminé une valeur en dessous de laquelle aucun effet biologique n’est observé, « il n’est pas raisonnable, pour des questions de santé publique, de continuer à développer des technologies qui augmentent l’exposition, surtout involontaire, aux ondes électromagnétiques ».
Des recherches financées par les opérateurs.
Le BioInitiative s’est focalisé sur l’aspect quantitatif de l’effet des rayons ; deux équipes de l’Université de Clermont-Ferrand ont, en revanche, étudié l’effet qualitatif des ondes sur la physiologie des plantes. Lorsqu’ils sont exposés à des ondes similaires à celles émises par des portables, les végétaux produisent immédiatement des protéines de stress. Autrement dit, ils réagissent aux émissions des mobiles comme à une agression extérieure. « Il faut rester prudent et ne pas généraliser à l’homme trop rapidement » tempère Alain Vian, chercheur dans l’Equipe de recherche sur la transduction et l’autosurveillance cellulaire (ERTAC) à Clermont-Ferrand. « Pour l’instant, nous allons étudier la peau, qui présente la même surface étendue de cellules que les plantes » ajoute-t-il. Le programme, baptisé MAPHYS, est soutenu par la fondation Santé et radiofréquences, un organisme de recherche, créé par l’Etat en 2005, reconnu d’utilité publique, mais financé en partie par les trois opérateurs de téléphonie mobile nationaux, ainsi que trois fabricants de mobiles.
En 1999, une grande étude a été lancée par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de Lyon, en collaboration avec 23 institutions de 14 pays, pour déterminer l’impact des portables sur la santé. Le projet INTERPHONE a été financé notamment par l’Union internationale contre le cancer (UICC), qui a elle-même reçu des fonds du Mobile Manufacturers’ Forum et de l’Association GSM, deux associations de fabricants d’équipements téléphoniques. Le CIRC affirme pourtant que « les accords financiers garantissent à l’étude INTERPHONE une totale indépendance scientifique ». Les résultats finaux de l’étude, prévus pour 2005, se font toujours attendre, officiellement pour des raisons d’interprétations des données.
Définir le principe de précaution
Quel degré d’indépendance accorder alors aux conclusions des précédentes études sur les radiofréquences ? Celles de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et de l’Association française pour la sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), notamment, concluaient mollement à une absence de preuves significatives impliquant un danger immédiat. En 2006, l’Inspection générale de l’environnement (IGE) et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) émettaient publiquement des doutes sur l’indépendance des experts de l’AFSSE. A leur décharge, les organismes soulignaient cependant l’importance de l’application d’un principe de précaution. Les opérateurs, qui s’expriment d’une seule voix, par l’intermédiaire de l’Association française des opérateurs mobiles (AFOM), affirment « faire ce qu’on leur dit », c’est-à-dire appliquer les recommandations de l’AFSSE. Outre la délivrance d’un kit oreillette “mains libres” avec tout téléphone, l’Agence conseille de limiter les campagnes de promotion en direction des enfants. Ces dispositions peuvent sembler laxistes, puisque l’AFSSE conclue, dans son rapport « Téléphonie et santé » daté de juin 2005, que « divers effets biologiques ou physiologiques associés à l’exposition aux ondes des téléphones mobiles sont bien avérés ».
Une autre application du principe de précaution serait une baisse du seuil d’exposition à 0,6V/m, préconisée par l’association Robins des Toits entre autre, et retenue par le groupe 3 du Grenelle de l’environnement. Cependant, elle serait « impossible à appliquer » affirme l’AFOM, car on ne peut légiférer que sur l’émission d’onde, et non l’exposition du public aux différentes ondes qui l’entoure. « Un seuil d’émission à 0,6V/m est en outre impensable, car il empêcherait toute émission radiophonique ou télévisuelle » ajoute l’association. Pour expliquer ces tergiversations sur les précautions à prendre, Franck Laval pointe du doigt le lobbying des opérateurs. « La preuve de la gravité de la situation, c’est la position des assureurs, explique-t-il. Certains [Swiss Re, Loyds, AXA et Allianz] ne veulent plus assurer les risques sanitaires et environnementaux liés à la téléphonie mobile ». Il est troublant de se souvenir que déjà en 1911, les assureurs avaient pris une telle décision vis-à-vis des usines d’amiante.
Rouba Naaman
novethic.fr
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