Le titre annonçait la couleur. Mais , avouons-le, on ne s’attendait pas à un coup de gueule si véhément, à un état des lieux si noir de la planète. Sans doute était-ce l’image, toute d’objectivité, de retenue et de pondération, du quotidien du soir dans lequel travaille le journaliste Hervé Kempf qui nous avait induits en erreur. La lecture des premières lignes de ce brûlot salvateur devait vite nous remettre les idées en place. « La situation écologique de la planète, écrit l’auteur, empire à une allure que les efforts de millions de citoyens du monde conscients du drame mais trop peu nombreux ne parviennent pas à freiner. » Ajoutant immédiatement : « Le système social qui régit actuellement la société humaine, le capitalisme, s’arc-boute de manière aveugle contre les changements qu’il est indispensable d’opérer si l’on veut conserver à l’existence humaine sa dignité et sa promesse. »
Nourri par vingt ans de reportages et d’enquêtes sur les questions d’environnement, Hervé Kempf a vu la biodiversité se dégrader, la « guerre secrète » autour des OGM (1) s’intensifier, les constats scientifiques sur le changement climatique s’affiner. Opportunément, il nous invite à comparer l’augmentation des températures qu’on nous promet d’ici la fin du siècle (entre 1,4 et 5,8 ºC) avec les cinq petits degrés qui séparent notre température moyenne actuelle (15 ºC) de celle de l’ère glaciaire (10 ºC)... Il nous rappelle également que nous vivons actuellement « la sixième extinction majeure dans l’histoire de la terre, la plus importante depuis que les dinosaures ont disparu il y a 65 millions d’années ». Fort de ces constats, l’auteur ne craint pas d’affirmer aujourd’hui que « nous sommes entrés dans un état de crise écologique durable et planétaire ». Une crise qui, selon lui, devrait « se traduire par un ébranlement prochain du système économique mondial ». Ou, en l’absence « de choc brutal », par « la poursuite de la dégradation en cours, dans laquelle les peuples s’habitueraient, comme par un empoisonnement graduel, à la déréliction sociale et écologique ».
Il va même plus loin en donnant un nom à ce mal qui nous ronge : « le capitalisme », représenté ici par cette « oligarchie qui accumule revenus, patri moi ne et pouvoir avec une avidité dont on n’avait pas eu d’exemple depuis les "barons voleurs" américains de la fin du XIXe siècle ». Oligarchie dont le mode de vie et de consommation définirait celui de notre société tout entière, selon l’analyse de l’économiste américain Thorstein Veblen (1857-1929) qu’Hervé Kempf reprend à son compte. Oligarchie surtout, dont l’auteur nous dit qu’elle « veut se débarrasser de la démocratie et des libertés publiques qui en constituent la substance », en prenant pour preuves les réformes récentes menées au nom de l’antiterrorisme ou de la sécurité.
Dans ce contexte, le journaliste du Monde ne semble pas croire au rôle du politique pour sortir de la nasse. Ou plutôt se désole de la faiblesse insigne de ses représentants actuels. Il a beau appeler à « l’optimisme », se réjouissant par exemple du « rejet du projet capitaliste de constitution européenne en 2005 », Hervé Kempf nous propose ici un texte dont on sort quelque peu groggy, car plus disert sur les causes de la catastrophe que sur les moyens de l’éviter. Mais ceux-ci existent-il vraiment ?
(1) Hervé Kempf, la Guerre secrète des OGM,
Seuil, 2003.
Alexandre Fache
http://www.humanite .presse.fr/ journal/2007- 01-13/2007- 01-13-843944
1 commentaire:
desolé mais Hervé Kempf ne reprend pas à son compte les propos de monsieur Thorstein Veblen.Il souligne simplement le fait que la théorie de la consommation mondiale est reie dans une simple enigme.QUE PLUS UN PRODUIT EST RARE. PLUS SON PRIX AUGMENTE AU DETRIMENT DE SON IMPACTE SUR L ENVIRONNEMENT .
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